Le Militaire, couverture de Séquences mai-juin 2014 |
Propos recueillis par Élie Castiel
On sent, pendant
toute la projection, une urgence de tourner. Est-ce qu’il s’agit d’un projet
que vous caressiez depuis longtemps ? Pour parler du traumatisme des vétérans
de guerre peut-être?
Mitrani : En ce qui a trait à l’urgence de tourner, peut-être bien que si, même si je n’en suis pas tout à fait conscient. Mais par rapport au personnage, pour dire vraiment les choses, il s’est imposé progressivement et il n’était nullement question de présenter un vétéran de guerre en lutte contre ses propres fantasmes provoqués par le conflit. Le principe de base était de travailler sur un individu solitaire aux prises avec des traumatismes qui l’empêcheraient de faire face à la réalité, et plus particulièrement dans ses rapports avec les femmes. Ce qui est intéressant dans le personnage de Bertrand, c’est que sa rigueur morale, assimilée pendant son service à l’armée, contraste avec sa vie privée, plutôt à la dérive.
Et pourtant il s’agit d’un personnage séduisant, attachant même, justement parce qu’il n’obéit pas aux codes de comportement de la norme, même s’il n’en est pas tout à fait conscient.
Lucas : En quelque sorte, c’est un personnage issu de nos fantasmes. En tant que spectateurs, nous sommes disposés à entrer dans ce jeu à la fois pervers et captivant. En quelque sorte, Bertrand éveille chez les spectateurs quelque chose d’enfoui en eux, mais qu’ils n’osent avouer.
Mitrani : Le principe de base est que, d’une manière ou d’une autre, la majorité des hommes porte un degré de perversité qui, dans la plupart des cas, n’ose s’exprimer ouvertement, et tant mieux puisque ça ne serait pas gérable. La femme, elle, est plus nourricière et sensible.
Votre personnage de Bertrand est pratiquement de tous les plans. N’est-ce pas un poids plutôt lourd à assumer ?
Lucas : En fait, ce qui a rendu le tout facilement assimilable, c’est le fait que le personnage s’est construit au fur et à mesure du tournage. Néanmoins, si je le compare à tous les rôles précédents que j’ai tenus, soit ici ou ailleurs, celui de Bertrand s’est bâti entre le réalisateur et moi-même. J’aime bien cet échange qui, en fin de compte, devenait de jour en jour plus constructif. Ce qu’il y a d’intéressant, c’est que Noël arrivait chaque jour avec de nouvelles idées qui m’amenaient à faire des réformes quant au comportement de mon personnage, des changements auxquels je n’avais pas pensé auparavant. On dit souvent que le comédien est à 50 % la marionnette du réalisateur. Dans ce cas, j’ai senti que c’était plutôt de l’ordre de 90 %. Et tant mieux puisqu’au moment où on disait « Action ! », je reprenais les choses en main.
Mitrani : Ce qu’il est important de rappeler, c’est qu’un film se construit au fur et à mesure. Justement, au fur et à mesure que Laurent incarnait son personnage, il m’envoyait régulièrement des signaux pour l’enrichir. En fait, dès le départ, nous savions tous les deux de quoi il était question dans l’idiosyncrasie du rôle à défendre. Par ailleurs, je crois qu’il est important de souligner qu'à l'origine, nous avions l’intention de tourner Le Militaire comme s’il s’agissait d’un documentaire. Le documentaire, c’est souvent la caméra à l’épaule et qui va dans tous les sens. Mais en fait, ce n’est pas comme cela que ça s’est passé : nous avons fait comme si les situations ne se présentaient qu’une seule fois. Ce qui explique que 90 % des scènes, et sans doute plus, n’ont été tournées qu’une seule fois, et sans répétition. Une prise a suffi. Ce qui est important, c’est qu’il ne fallait pas endommager ou abîmer la nature même du personnage. Dans ce sens, si Laurent demeure constamment vrai, c’est que c’est l’heureuse conséquence de ce principe de mise en situation.
Pensez-vous que Le Militaire se situe comme le prolongement de votre démarche entamée avec Sur les traces d’Igor Rizzi ?
Mitrani : Je ne vois pas vraiment les choses de cette façon. J’ai l’impression que le dénominateur commun à mes trois films, c’est en grande partie mon intégrité face au métier de réalisateur, de voir les choses à ma façon. Par exemple, comme c’est le cas dans les films précédents, et autant dans Le Militaire, c’est que je passe très peu de temps à définir les plans. En fait, avant le tournage, Laurent et moi avons échangé très peu de mots. Nous étions vraiment dans l’économie, sauf si un imprévu se présentait. Les mises en place et les plans s’organisaient en quasiment 45 minutes plutôt qu’environ 3 heures comme c’est l’habitude dans la plupart des productions. Nous étions presque toujours plongés dans l’action. Le Militaire, dans ce sens, a pu se tourner en quelques jours.
Les seuls moments de grâce qu’on retrouve dans le film sont ceux de la rencontre entre Bertrand et Audrey, mais ce sont des moments furtifs.
Lucas : Toute personne normalement constituée est consciente qu’il est impossible de réaliser le désir d’accéder à l’autre en employant des méthodes irrationnelles. Dans son rapport à la femme, il est important de rappeler que Bertrand, poussé par son traumatisme et plus encore par son égocentrisme issu de sa douleur face à la solitude, est incapable de traverser la frontière qui nous mène vers l’autre avec calme et sérénité.
D’où le danger de rendre cette rencontre stérile.
Lucas : Tout à fait. Bertrand n’arrive pas à gérer ce rapport égalitaire qui aurait dû s’exprimer autrement. En fait, même dans la vraie vie, le rapport à l’autre, surtout lorsqu’il s’agit des premiers émois amoureux, n’est jamais simple au début. C’est une question d’apprentissage. Mais la peur du sexe, la peur de l’étranger, la peur des appréhensions, tous ces éléments font que Bertrand ne se trouve pas totalement à l’aise avec quelqu’un de nouveau face à lui; dans ce cas, Audrey.
Mitrani : En ce qui a trait à l’urgence de tourner, peut-être bien que si, même si je n’en suis pas tout à fait conscient. Mais par rapport au personnage, pour dire vraiment les choses, il s’est imposé progressivement et il n’était nullement question de présenter un vétéran de guerre en lutte contre ses propres fantasmes provoqués par le conflit. Le principe de base était de travailler sur un individu solitaire aux prises avec des traumatismes qui l’empêcheraient de faire face à la réalité, et plus particulièrement dans ses rapports avec les femmes. Ce qui est intéressant dans le personnage de Bertrand, c’est que sa rigueur morale, assimilée pendant son service à l’armée, contraste avec sa vie privée, plutôt à la dérive.
Et pourtant il s’agit d’un personnage séduisant, attachant même, justement parce qu’il n’obéit pas aux codes de comportement de la norme, même s’il n’en est pas tout à fait conscient.
Lucas : En quelque sorte, c’est un personnage issu de nos fantasmes. En tant que spectateurs, nous sommes disposés à entrer dans ce jeu à la fois pervers et captivant. En quelque sorte, Bertrand éveille chez les spectateurs quelque chose d’enfoui en eux, mais qu’ils n’osent avouer.
Mitrani : Le principe de base est que, d’une manière ou d’une autre, la majorité des hommes porte un degré de perversité qui, dans la plupart des cas, n’ose s’exprimer ouvertement, et tant mieux puisque ça ne serait pas gérable. La femme, elle, est plus nourricière et sensible.
Votre personnage de Bertrand est pratiquement de tous les plans. N’est-ce pas un poids plutôt lourd à assumer ?
Lucas : En fait, ce qui a rendu le tout facilement assimilable, c’est le fait que le personnage s’est construit au fur et à mesure du tournage. Néanmoins, si je le compare à tous les rôles précédents que j’ai tenus, soit ici ou ailleurs, celui de Bertrand s’est bâti entre le réalisateur et moi-même. J’aime bien cet échange qui, en fin de compte, devenait de jour en jour plus constructif. Ce qu’il y a d’intéressant, c’est que Noël arrivait chaque jour avec de nouvelles idées qui m’amenaient à faire des réformes quant au comportement de mon personnage, des changements auxquels je n’avais pas pensé auparavant. On dit souvent que le comédien est à 50 % la marionnette du réalisateur. Dans ce cas, j’ai senti que c’était plutôt de l’ordre de 90 %. Et tant mieux puisqu’au moment où on disait « Action ! », je reprenais les choses en main.
Mitrani : Ce qu’il est important de rappeler, c’est qu’un film se construit au fur et à mesure. Justement, au fur et à mesure que Laurent incarnait son personnage, il m’envoyait régulièrement des signaux pour l’enrichir. En fait, dès le départ, nous savions tous les deux de quoi il était question dans l’idiosyncrasie du rôle à défendre. Par ailleurs, je crois qu’il est important de souligner qu'à l'origine, nous avions l’intention de tourner Le Militaire comme s’il s’agissait d’un documentaire. Le documentaire, c’est souvent la caméra à l’épaule et qui va dans tous les sens. Mais en fait, ce n’est pas comme cela que ça s’est passé : nous avons fait comme si les situations ne se présentaient qu’une seule fois. Ce qui explique que 90 % des scènes, et sans doute plus, n’ont été tournées qu’une seule fois, et sans répétition. Une prise a suffi. Ce qui est important, c’est qu’il ne fallait pas endommager ou abîmer la nature même du personnage. Dans ce sens, si Laurent demeure constamment vrai, c’est que c’est l’heureuse conséquence de ce principe de mise en situation.
Pensez-vous que Le Militaire se situe comme le prolongement de votre démarche entamée avec Sur les traces d’Igor Rizzi ?
Mitrani : Je ne vois pas vraiment les choses de cette façon. J’ai l’impression que le dénominateur commun à mes trois films, c’est en grande partie mon intégrité face au métier de réalisateur, de voir les choses à ma façon. Par exemple, comme c’est le cas dans les films précédents, et autant dans Le Militaire, c’est que je passe très peu de temps à définir les plans. En fait, avant le tournage, Laurent et moi avons échangé très peu de mots. Nous étions vraiment dans l’économie, sauf si un imprévu se présentait. Les mises en place et les plans s’organisaient en quasiment 45 minutes plutôt qu’environ 3 heures comme c’est l’habitude dans la plupart des productions. Nous étions presque toujours plongés dans l’action. Le Militaire, dans ce sens, a pu se tourner en quelques jours.
Les seuls moments de grâce qu’on retrouve dans le film sont ceux de la rencontre entre Bertrand et Audrey, mais ce sont des moments furtifs.
Lucas : Toute personne normalement constituée est consciente qu’il est impossible de réaliser le désir d’accéder à l’autre en employant des méthodes irrationnelles. Dans son rapport à la femme, il est important de rappeler que Bertrand, poussé par son traumatisme et plus encore par son égocentrisme issu de sa douleur face à la solitude, est incapable de traverser la frontière qui nous mène vers l’autre avec calme et sérénité.
D’où le danger de rendre cette rencontre stérile.
Lucas : Tout à fait. Bertrand n’arrive pas à gérer ce rapport égalitaire qui aurait dû s’exprimer autrement. En fait, même dans la vraie vie, le rapport à l’autre, surtout lorsqu’il s’agit des premiers émois amoureux, n’est jamais simple au début. C’est une question d’apprentissage. Mais la peur du sexe, la peur de l’étranger, la peur des appréhensions, tous ces éléments font que Bertrand ne se trouve pas totalement à l’aise avec quelqu’un de nouveau face à lui; dans ce cas, Audrey.
Mitrani : Ce qui est important, c’est que nous n’avons
jamais intellectualisé le personnage. C’est sur la quête d’une certaine vérité
instinctive que le personnage s’est créé et imposé.
Ce qui équivaut sans doute à ce besoin primaire de parfois faire face à certaines situations.
Mitrani : Effectivement. C’est cet assemblage de presque naïveté et de naturel qui donne le sens au comportement de certains individus affectés. À mesure qu’on construisait le personnage de Bertrand, on commençait petit à petit à lui pardonner, à ne pas lui en vouloir. À nos yeux, et j’espère aussi aux yeux des spectateurs, il devenait simplement un personnage en déroute qui essaie de s’en sortir.
Est-ce là une sorte
d’apologie de l’antihéros?
Mitrani : En fait, il s’agit d’un « héros », parce que vraiment en accord avec sa nature, capable de réfléchir pour, du moins, commencer à changer. Alors que tous les Batman et Capitaine America de ce monde sont des personnages formatés sur mesure, Bertrand, quant à lui, écrit sa propre histoire par son étrange comportement et sa volonté de changer.
Contrairement aux personnages que vous avez incarnés auparavant, celui de Bertrand nous semble le plus complexe. Est-ce le cas ?
Mitrani : On voulait également une vraie maison. Nous avons donc pensé que celle de Laurent correspondait de près à son personnage. Nous avons donc enlevé quelques éléments du décor pour que l’ensemble corresponde à ce que nous avions en tête. En tournant chez lui, Laurent pouvait encore plus entrer dans son personnage, reconnaissant chaque recoin de sa maison. Le film n’avait donc plus de secret pour lui.
Entre le comédien et vous-même, aucun rapport de force, aucune distanciation face à la création.
Mitrani : C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’aime travailler avec Laurent. Ce dernier est en fait un prolongement de ma pensée. Il n’a point besoin de trop d’explications et va droit au but. Dans un sens, les bons acteurs sont ceux qui arrivent à se caler sur le tempérament du réalisateur.
Ce qui équivaut sans doute à ce besoin primaire de parfois faire face à certaines situations.
Mitrani : Effectivement. C’est cet assemblage de presque naïveté et de naturel qui donne le sens au comportement de certains individus affectés. À mesure qu’on construisait le personnage de Bertrand, on commençait petit à petit à lui pardonner, à ne pas lui en vouloir. À nos yeux, et j’espère aussi aux yeux des spectateurs, il devenait simplement un personnage en déroute qui essaie de s’en sortir.
Laurent Lucas dans Le Militaire |
Mitrani : En fait, il s’agit d’un « héros », parce que vraiment en accord avec sa nature, capable de réfléchir pour, du moins, commencer à changer. Alors que tous les Batman et Capitaine America de ce monde sont des personnages formatés sur mesure, Bertrand, quant à lui, écrit sa propre histoire par son étrange comportement et sa volonté de changer.
Contrairement aux personnages que vous avez incarnés auparavant, celui de Bertrand nous semble le plus complexe. Est-ce le cas ?
Mitrani : On voulait également une vraie maison. Nous avons donc pensé que celle de Laurent correspondait de près à son personnage. Nous avons donc enlevé quelques éléments du décor pour que l’ensemble corresponde à ce que nous avions en tête. En tournant chez lui, Laurent pouvait encore plus entrer dans son personnage, reconnaissant chaque recoin de sa maison. Le film n’avait donc plus de secret pour lui.
Entre le comédien et vous-même, aucun rapport de force, aucune distanciation face à la création.
Mitrani : C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’aime travailler avec Laurent. Ce dernier est en fait un prolongement de ma pensée. Il n’a point besoin de trop d’explications et va droit au but. Dans un sens, les bons acteurs sont ceux qui arrivent à se caler sur le tempérament du réalisateur.
Lucas : Je partage le même avis. Il s’agit en quelque sorte
d’un effet miroir, parfois nécessaire pour que le projet arrive à point.
Mitrani : J’ajouterais que c’est aussi ce qui explique qu’au contraire d’un scénario de 95 pages bien ficelé, nous avons opté pour presque 30 pages qui réunissaient les conditions nécessaires à l’élaboration d’un film qui s’est également construit par les échanges d’idées entre Laurent et moi-même.
Lucas : En effet, j’ai souvent joué des personnages en plein glissement, à la dérive, mais ce qu’il y a d’impressionnant chez Bertrand, c’est que sa folie est montrée dès le premier plan. Dans ce sens, il me paraît encore plus rigoureux, d’autant plus qu’il est de toutes les séquences. Le film ne lui laisse aucun moment de répit.
Et pourtant, le refus du rapport à l’autre confirme également le refus de la corporalité.
Lucas : Finalement, Bertrand est un pervers formé par la force des choses. Il n’a pas su évoluer dans la difficile étape de se rapporter à l’autre. Il est si replié sur lui-même qu’il se sent incapable de voir sa propre image.
Malgré les propos exprimés plut tôt, la caméra à l’épaule entraîne nerveusement le personnage de Bertrand vers l’abîme.
Lucas : En plus, j’étais souvent filmé en gros plan. Pour faciliter mon travail, je pensais aux toiles de certains grands maîtres. Entre la caméra et moi, il s’agissait d’une sorte de création artistique en pleine gestation.
Et entre Bertrand et la religion, il existe un étrange rapport. Les séquences de spiritualité sont celles où le personnage trouve enfin une certaine forme de sérénité, même si éphémère.
Mitrani : La question de la religion est très importante dans le film. Le rapport à Dieu devient, par moments, la base morale autour de laquelle agit Bertrand. Chez lui, la raideur et la rigueur de son passé militaire laissent parfois la place au recueillement. Mais cela ne l’empêche guère de s’intéresser à la femme, même s’il l’exprime de façon gauche.
Dans la mouvance du nouveau cinéma québécois, où pensez-vous vous situer ?
Mitrani : Tout d’abord, je ne me sens pas étranger, même si je suis d’origine française. Mais dans le même temps, le cinéma, pour moi, n’appartient en quelque sorte à aucune nation. Le discours cinématographique, surtout en ce qui a trait au cinéma d’auteur, est de facture universelle. Au fond, peu m’importent les fausses étiquettes.
Mitrani : J’ajouterais que c’est aussi ce qui explique qu’au contraire d’un scénario de 95 pages bien ficelé, nous avons opté pour presque 30 pages qui réunissaient les conditions nécessaires à l’élaboration d’un film qui s’est également construit par les échanges d’idées entre Laurent et moi-même.
Lucas : En effet, j’ai souvent joué des personnages en plein glissement, à la dérive, mais ce qu’il y a d’impressionnant chez Bertrand, c’est que sa folie est montrée dès le premier plan. Dans ce sens, il me paraît encore plus rigoureux, d’autant plus qu’il est de toutes les séquences. Le film ne lui laisse aucun moment de répit.
Et pourtant, le refus du rapport à l’autre confirme également le refus de la corporalité.
Lucas : Finalement, Bertrand est un pervers formé par la force des choses. Il n’a pas su évoluer dans la difficile étape de se rapporter à l’autre. Il est si replié sur lui-même qu’il se sent incapable de voir sa propre image.
Malgré les propos exprimés plut tôt, la caméra à l’épaule entraîne nerveusement le personnage de Bertrand vers l’abîme.
Lucas : En plus, j’étais souvent filmé en gros plan. Pour faciliter mon travail, je pensais aux toiles de certains grands maîtres. Entre la caméra et moi, il s’agissait d’une sorte de création artistique en pleine gestation.
Et entre Bertrand et la religion, il existe un étrange rapport. Les séquences de spiritualité sont celles où le personnage trouve enfin une certaine forme de sérénité, même si éphémère.
Mitrani : La question de la religion est très importante dans le film. Le rapport à Dieu devient, par moments, la base morale autour de laquelle agit Bertrand. Chez lui, la raideur et la rigueur de son passé militaire laissent parfois la place au recueillement. Mais cela ne l’empêche guère de s’intéresser à la femme, même s’il l’exprime de façon gauche.
Dans la mouvance du nouveau cinéma québécois, où pensez-vous vous situer ?
Mitrani : Tout d’abord, je ne me sens pas étranger, même si je suis d’origine française. Mais dans le même temps, le cinéma, pour moi, n’appartient en quelque sorte à aucune nation. Le discours cinématographique, surtout en ce qui a trait au cinéma d’auteur, est de facture universelle. Au fond, peu m’importent les fausses étiquettes.
SÉQUENCES 290 | MAI — JUIN 2014, pp. 36-38.